
L’Idole des jeunes interprétant Shakespeare, c’est le pari fou qu’il prit en 1976. Et pour la première fois de sa carrière, le disque fut soldé peu après sa sortie
7 Septembre 1976 : avec la parution du double 33 tours “Hamlet” (Philips 6641 470), Johnny essuyait le véritable premier échec de sa carrière.
« Hamlet » reste indiscutablement le disque le plus curieux de l’oeuvre de Johnny
Le lecteur qui n’était pas né à l’époque s’attendrait à trouver dans cet article le mot “controversé”, mais ce n’est même pas le cas. « Hamlet » fut beaucoup plus ignoré que critiqué. Les avis, bien sûr, sont partagés. Johnny lui-même, dans « Destroy », déclare qu’il rêvait depuis 1969 d’enregistrer cet album. A l’époque, il souhaitait interpréter Shakespeare sur une musique des Beatles et une mise en scène de Fellini.
Il en enregistre les bases musicales à Londres en 1971
Cinq ans plus tard, l’album sort dans l’indifférence la plus totale. “Dommage, dit-il... J’y avais mis toutes mes tripes". Mais Jean-William Thoury, dans Jukebox Magazine n°45, sans dévaloriser l’implication de Johnny, conteste l’enrobage : “Le livret est grotesque, la musique sans grand intérêt (...) Johnny porte cette oeuvre ridicule à bout de bras, avec toute la force de son interprétation, avec son pouvoir de conviction. Hélas la partie est trop rude". Serge Lama, pourtant, a bien campé Napoléon sans qu’on y trouve à redire !
Le projet ambitieux nécessita la présence de 150 musiciens classiques, en plus de l’équipe habituelle
On retrouve le « clan » Hallyday de l’époque : “Rolling”, Slim Pezin, Jannick Top, Christian Padovan, Marc Chantereau et Gabriel Yared. Sans oublier la responsabilité de Gilles Thibaut et de Pierre Groscolas dans l’élaboration de la partition. Que du beau monde, des musiciens aguerris. Pourtant le public est désarçonné.
Des titres peu avenants
Comme il est de coutume, la maison de disques fit confectionner des 45 tours de promotion destinés à tenter d’imposer des extraits de « Hamlet » à la radio pour le faire connaître au public réticent. Mais les titres des chansons eux-mêmes n’avaient rien de tentant : « La mort d’Ophélie », « To Be Or Not To Be », « Ta mère est putain », « Le Duel », « J’effacerai de ma mémoire ». Difficile à programmer !
L’échec commercial d’ "Hamlet » aura une curieuse conséquence
L’annulation du projet de comédie musicale de Sylvie Vartan basé sur le thème d' »Alice au pays des merveilles » est la conséquence directe de l’échec du disque de celui qui est encore son mari. La mission d’écrire les chansons avait été confiée à Gilles Thibaut et Pierre Groscolas et, imprudente, Sylvie les avait montrées à Johnny qui leur demanda alors d’écrire « Hamlet ». Pour des impératifs de dates de sortie de disques, « Hamlet » sortit avant « Alice au pays des merveilles », mais, suite au “bouillon” de l’entreprise « Hamlet », tout le monde se fâcha et Pierre Groscolas, mettant Johnny et Sylvie “dans le même sac”, s’opposa au projet « Alice au pays des merveilles ».
Le disque passa, non pas dans les poubelles de l’Histoire, mais au purgatoire
« Hamlet » est un des rares albums du commerce, parus après 1970, qui ait une quelconque valeur “collector” en édition originale vinyl (au moins 50 €). Il traîna chez les soldeurs durant des années mais personne n’en voulait. Même l’esprit de spéculation qui règne dans le milieu des revendeurs, pour une fois, ne joua pas. Ce n’est que lorsque le disque eut totalement disparu (était-il retourné à l’usine pour être pilonné ?) que sa valeur commença à monter. Pas pour bien longtemps : la cote se stabilisa à partir de sa réédition en CD pour Noël 1990. L’édition japonaise, pourvue d’une pochette expurgée, est en revanche très recherchée.