L’anthologie 50 For 50
L'occasion pour nous de vous raconter en plusieurs articles - incluant des interviews de Ian ANDERSON -l'histoire de ces excellents artistes
Une histoire qui commence dès 1967, époque à laquelle les musiciens, tous britanniques, se produisent dans les clubs, les festivals de blues, etc. Le groupe, à l'époque, se compose de Ian Anderson, chant et flûte, et compositeur de la majorité des morceaux (neuf ans plus tard, au moment de notre première rencontre, c'est-à-dire en 1976, Ian est le seul rescapé de la formation originale), Mick Abrahams, guitare, Glen Cornick, basse, et Clive Bunker, batterie. On est en plein «blues boom» en Angleterre et Jethro Tull n'est qu'un groupe de plus. Ils ont toutefois un «petit quelque chose» qui attire l'attention. Leur tenue est assez particulière. Ils ressemblent tout simplement... à des clochards. Ajoutez à cela un «gimmick » : Jethro Tull est le premier groupe de blues à utiliser la flûte comme instrument majeur.
Polydor / M. G. M. leur accorde une première chance, et un obscur 45 tours sort, avec deux de leurs compositions : «Sunshine day» et «Aeroplane». Par erreur, le disque sort sous le nom de Jethro Toe, ce qui, en fait, ne change rien : inutile de dire qu'il tombe immédiatement dans l'oubli. Il faudra attendre encore quelques mois pour que la courageuse Island leur propose un contrat ; à cette époque, le succès relatif de groupes comme Traffic et Spencer Davis Group déjà sur la descente, permet à cette petite marque de signer des gens comme Free, Winder K. Frog, Clouds, Spooky Tooth et donc le Tull. On tente un simple, pour tâter le terrain, voir la réaction du «métier» vis-à-vis de ce groupe si original. Favorable! «Song for Jeffrey», bien que loin de grimper au hit-parade, attire l'attention d'un noyau de fans. La face B de ce premier SP, «One for John Gee» n'est, à l'heure actuelle (1976), toujours pas disponible sur album. Il s'agit pourtant du premier instrumental jamais enregistré par le Tull; quoi qu'il en soit, revenons au premier 33 tours, «This Was».
La pochette représente les quatre compères, très «clodos», entourés de chiens et les cheveux blanchis. Premier album partagé entre les inspirations et les goûts des deux leaders, Anderson et Abrahams, à mi-chemin entre le blues (Abrahams) et la progressive (Anderson). On y retrouve même un morceau de jazz, «Ballad for a cuckoo» de Roland Kirke, duquel Ian reconnaît avoir beaucoup appris et s'être inspiré. Succès immédiat en Grande-Bretagne où «This Was» s'installe dans le Top Ten tandis qu'en France l'album se trouve même chroniqué dans les «disques du mois» des revues spécialisées. Nous sommes donc en 1968, point de départ d'une carrière régulière, à raison d'un album par an, régularité à peine troublée par un exil à la suite de l'échec de «Passion Play» dont nous reparlerons plus loin.
Après le succès de «This Was», Mick Abrahams quitte le groupe pour voler de ses propres ailes et fonder Blodwyn Pig puis le Mick Abrahams Band, tous deux de valeur et n'ayant malheureusement pas reçu l'attention du public. Quoi qu'il en soit, Mick préfère sans doute jouer le blues plutôt qu'être une superstar qui subit des contraintes musicales. Il est aussitôt remplacé par le fabuleux Martin «Lancelot» Barre qui apportera une couleur tout à fait différente au deuxième album, « Stand up ». Album extrêmement riche, capital pour le groupe. Martin, en particulier, s'exprime magistralement dans le superbe solo final de «We used to know» (Afin de ne pas se faire oublier de leur public européen durant leur première tournée américaine ils avaient sorti le célèbre «Living in the past» quelques mois avant «Stand up», précaution qui permit sans doute à leur album de grimper encore plus vite dans les classements continentaux, en particulier allemands et français où ils n'étaient encore jamais venus).
Carrière sans histoire, succès mérité, on arrive ainsi à l'année 1970. C'est au printemps que sort «Benefit», leur troisième album. Album grandiose aux sonorités nouvelles et parfois étranges («With you there to help me» et «Play in time»). Un petit nouveau, alors frêle jeune homme à l'apparence sérieuse, fait son apparition sans encore faire partie intégrante du groupe : il s'agit de John Evan qui vient jouer du piano sur certains morceaux, discret mais excessivement efficace. Quelques titres varient d'un pays à autre, selon la sortie des simples («Inside» en France et en Angleterre, alors que «Alive and well and living in» ne figure même pas sur l'album américain). Un disque un peu magique où chaque titre a sa personnalité propre.
L'année suivante sera marquée par la sortie de « Aqualung », royaume fou où Dieu pourrait être représenté sous la forme d'une bouteille d'oxygène, tandis que la seconde face lui est consacrée (oui, à Dieu en personne!) et à la religion en général, telle que lan la voit à travers la société. Des propos qui surprendront, mais pas autant que leur album suivant, «Thick as a Brick», qui apparaît comme l'aboutissement de leur évolution: un trente-trois tours où est entièrement développé un long poème; une pochette invraisemblable où l'humour est présent dans les moindres recoins! Inutile de dire qu'il y a de quoi désemparer les fans restés sur l'image de Tull, groupe de blues. «Thick as a brick» est un chef-d'oeuvre, dont est entièrement responsable Anderson. C'est à peine si l'on pense à parler du départ du bassiste Glen Cornick remplacé par un vieil ami d'enfance de lan, Jeffrey Hammond-Hammond. Mais Anderson veut aller encore plus loin, et il sort l'année suivante le superbe mais néanmoins très controversé «Passion Play». Cet album est trop riche et trop compliqué pour le public anglais qui, depuis quelques mois déjà, ne se passionne plus que pour les Osmonds ou les Carpenters.
«Passion Play» se fait donc proprement démolir par la critique britannique. Anderson, vexé, déçu par cette réaction de facilité, s'enferme dans une sorte d'exil. Pas de concert ni de nouveau disque pendant près d'un an. La maison de disque en profite pour mettre sur le marché, dans un luxueux coffret, les enregistrements les plus rares du groupe, ainsi qu'une face en concert. C'est ainsi que paraît la double compilation «Living in the past», le tout enrichi d'un grandiose album de photos. Et puis, finalement, après trop longtemps, ils rompent le silence et c'est la sortie de «War child», album de réconciliation, puisqu'on y retrouve des morceaux courts ... (tout en conservant toujours un concept, que ce soit dans «War child» ou dans celui qui vient de sortir, «Too old to Rock'n'roll»). Comme dans les précédents, on ne trouve plus de tubes dans les albums du Tull, même si Chrysalis s'acharne à sortir des simples, ce qui est ici le cas de «Bungle in the jungle».
Entre-temps. Clive Bunker est parti lui aussi, pour être remplacé par Barriemore Barlowe (le sportif du groupe!). Nouveau cheval de bataille du groupe, «War child» apporte une énergie nouvelle à la présence scénique. L'album marche alors fort bien, sans toutefois retrouver le succès massif des albums antérieurs à «Passion Play». Le groupe, prévu pour jouer à Paris au début de l'année 1975, annule le concert mais revient finalement trois mois plus tard pour un magnifique spectacle, entièrement capturé sur pellicule pour les besoins d'un film. Tout l'album «War child» est évidemment interprété, avec le brio coutumier. La scène est, de plus, enrichie par la présence de plusieurs demoiselles qui sont tour à tour violonistes, bonnes sœurs, balayeuses, vamps évaporées ou soubrettes portant les divers instruments, généralement flûtes et guitares, au Maître. Un show réglé au quart de seconde qui fit de ce concert un des plus réussis de l'année, perfection dont s'éloigna un peu celui de mai 1976. Bref, parmi les autres morceaux, ils eurent l'honneur de présenter en avant-première un extrait de leur album suivant, «Minstrel in the gallery», qui fit son apparition chez les disquaires en septembre 1975. La pochette, je ne vous surprendrai pas, d'un côté une scène moyen-âgeuse, avec, en arrière plan, cinq ménestrels, et de l'autre côté, à peu près le même lieu, avec, cette fois, vous l'auriez deviné, nos cinq musiciens à l'endroit où se tenaient les trouvères. Un album de construction peu conventionnelle, puisque quatre morceaux occupent la première face, alors qu'on n'en trouve que deux sur la seconde, aux titres bizarres, fort peu destinés à ravir le public français que je vois mal parvenir à glisser dans la conversation «One white duck O10=Nothing at all». Un 45 tours sera extrait de l'album; ce sera, tout bêtement, «Minstrel in the gallery» (avec un inédit en face B: «Summer day sand»...
Et nous arrivons enfin à ce nouvel album après un Best of publié fin 75. Mai 1976, une date certainement dans la carrière du Tull. «Too old to rock'n' roll, too young to die» est en effet gonflé d'énergie. C'est un fantastique retour de ce très grand groupe. L'histoire, elle est simple; c'est celle d'un rocker, dépassé par les événements et qui n'a vraiment pas envie de porter paillettes et Glitter chaussures pour séduire les nanas de son quartier. Ray Lomas, puisque c'est son nom, gagne un jour, par hasard, le premier prix d'un bizarre concours. Diverses aventures lui arrivent et, comme dans toutes les bonnes hsitoires pour rock fans, il échappe a la mort après un accident de moto et devient rock star du jour au lendemain. Un très beau concept-album, débordant d'humour. Quant à la musique, écoutez des titres comme «Pied piper», «Taxi grab» ou «Too old to rock'n'roll» pour vous rendre compte par vous même que le Tull est reparti sur les chapeaux de roues! Mais je connais quelqu'un de bien mieux qualifié que moi pour vous parler de son neuvième album, c'est lan Anderson, lan en personne (cliquer ICI pour vous transporter quarante ans en arrière...).
