Au premier jour du printemps, on aurait pu s'attendre à une saison explosive à l'échelle internationale. Dans le cadre d'une émission consacrée à la politique intérieure allemande, une interview diffusée en direct de membres du SDS (dont certains rejoindront la bande à Baader) met à mal, via Europe N°1, les relations entre la France et l'Allemagne. A la demande de Bonn, le Quai d'Orsay est sommé d'intervenir Georges Altschuler, responsable de la politique intérieure à Europe N°1, se fait "remonter les bretelles".
Au même moment, un jeune Allemand aux cheveux rouges étudiant à Paris lance le Mouvement du 22 mars à l'origine de ce que l'on appelle les "événements de mai 68". Mais l'agitation avait commencé dès février, avec les violents affrontements entre CRS d'une part, étudiants, artistes et intellectuels d'autre part, suite à la décision de retirer la Cinémathèque à ce bienfaiteur de l'humanité que fut Henri Langlois.
En province, à Bordeaux précisément, on assistait le 11 février à une action commune des étudiants et des ouvriers des usines Dassault.
Les Journées de mai commencent le 3
La police investit la Sorbonne. Le vice-recteur de l'université semble prêt à rencontrer les étudiants, mais ceux-ci déclinent son offre, par la voix de leur porte-parole Alain Geismar qui s'exprime au micro de R.T.L. :
« Inutile qu'il se dérange. Le ministre sait qu'il peut communiquer directement avec les manifestants sur l'antenne. Il suffit de demander à tous les gens qui sont dans les appartements alentour de mettre leurs postes de radio à leur fenêtre ».
Les reportages en direct de R.T.L. et d'Europe N°1 du 3 mai auront un retentissement inattendu :
« Lundi 6 mai, les "trublions" de Nanterre passent en conseil de discipline de l'université, à la Sorbonne. Trois mille étudiants viennent les soutenir. Les radios ne sont pas tout à fait étrangères à ce déploiement de forces, le compte-rendu qu'elles ont donné vendredi est propre à allécher les plus blasés. Le plaisir de l'émeute s'est diffusé comme jamais parmi les manifestants » ("Europe N°1, la grande Histoire dans une grande radio").
Premiers affrontements entre C.R.S. et étudiants
Dans la nuit du 10 au 11 mai, dite Nuit des barricades, RTL prend conscience qu'elle risque d'outrepasser sa fonction d'informateur en ayant permis un dialogue entre le recteur Chalin et le meneur Alain Geismar, et interrompt ce dernier en lui expliquant qu'en tant que média elle n'a pas à répercuter les consignes qu'il donne aux étudiants.
En tournant l'aiguille du transistor...
Via l'antenne d'Europe n°1, les Français entendent le professeur Monod, prix Nobel de médecine, déclarer :
"Je suis au milieu des manifestants et des barricades... Je demande au ministre de l'Intérieur Christian Fouchet d'arrêter le massacre".
Au même micro, Daniel Cohn-Bendit adresse une mise en garde à ses camarades :
"J'appelle tous les manifestants à se retirer du Quartier latin ; vu la cruauté de la police, il n'est pas nécessaire de mener des combats d'arrière-garde".
Hélas pour l'image qu'a le gouvernement d'Europe n°1, Cohn-Bendit poursuit :
"J'appelle tous les syndicats, tous les partis de gauche à se mettre en grève générale à partir de lundi, en solidarité avec les étudiants et les jeunes travailleurs".
Les Français plus âgés suivent, eux aussi, le mouvement (à suivre en cliquant ici).