L'homosexualité masculine & féminine : un thème bien difficile à aborder il y a encore quelques dizaines d'années. Il fallait, pour s'y frotter, de fameuses plumes et de brillants interprètes...
Au début, tout n'était que gloussements grotesques, ricanements ridicules, plaisanteries grivoises : Dranem, en 1906, enregistre "Le Trou de mon quai". Distingué ! Il faudra attendre encore quelques années pour réaliser que l'homosexualité ou la bisexualité ne sont pas plus "risibles" que l'hétérosexualité. Suzy Solidor fut, de loin, la première à chanter l'homosexualité sans sourire... sans trop de difficulté car elle était lesbienne. Beaucoup plus tard, Charles Aznavour, que nul n'irait imaginer traîner dans un bar gay, se prêta au difficile exercice. Entre ces deux dates, ces deux inoubliables performances, des évocations, le plus souvent furtives car sous Pétain on ne badinait pas avec l'amour : l'Occupant l'avait incité à promulguer la loi du 6 août 1942 sur l'incitation à la débauche. Suzy Solidor
Née en 1900 ou 1906 (on n'a jamais su vraiment), elle fut en son temps une Idole. Son 78 tours « Ouvre », censuré, devient, à partir de 1933, l'hymne des femmes homosexuelles. Les paroles sont signées Edmond Haraucourt, auteur, en 1882, d'un recueil sulfureux , La Légende des sexes, poèmes hystériques et profanes, paru sous le pseudonyme de « Sire de Chambley ». Dès lors, on parle de solidorisme plutôt que de saphisme.
Edith Piaf chante "La Garçonne"
Au cinéma, on la voit dans "Jalousie / La Garçonne", fin 1935, aux côtés de Marie Bell, Arletty et Suzy Solidor, En ce qui concerne Piaf, c’est son premier rôle sur grand écran. Un film qui fait date dans l'histoire de la libération de la femme : Marie Bell interprète une jeune bourgeoise qui décide de mener une vie moderne et indépendante après avoir découvert que son fiancé la trompe, et se laisse draguer par Edith Piaf et Arletty dans un cabaret pour lesbiennes où chante Suzy Solidor !
Pas facile à assumer
En 1956, on est encore bien loin de la première gay pride et Boris Vian publie la chanson intitulée Bourrée de complexes. Mais pas grand chose n'était accepté par la société, à l'époque : les couples non mariés se cachaient et les enfants de divorcés étaient la risée à l'école. alors, avouer son homosexualité... Il fallait être connu pour se permettre cette fantaisie, mieux valait s'appeler Jean Cocteau, Jean Marais que Jean Dupont.
1970 : les extrêmes
Lassé d'être sans cesse "traité de pédé" (ce sont les termes exacts de sa chanson) en raison de ses cheveux longs et de sa frêle silhouette, Michel Polnareff publie Je suis un homme. La même année, Michel Sardou évoque l'homosexualité à l'armée dans Le Rire du sergent et Juliette Greco, qui n'a pas sa langue dans sa poche, chante Les Pingouins sur des paroles de Frédéric Botton : "Sans doute que les pingouins sont plus gais que les pingouines".
La libération
Les émeutes new-yorkaises de juin 1969 qui donnèrent naissance à la Gay pride eurent un retentissement en France deux ans plus tard. C'est à partir de cette date qu'on put commencer à traiter en musique le thème de l'homosexualité sans virer au grotesque : Comme ils disent d'Aznavour sort en 1972... Les Amitiés particulières de Serge Lama et Un garçon pas comme les autres (Ziggy) extrait de "Starmania" en 1978... La Plus Belle Fois qu'on m'a dit « je t'aime » de Francis Lalanne en 1980... Troisième Sexe d'Indochine en 1985... Une femme avec une femme de Mecano en 1988... Adam et Yves par Zazie en 2001.